lundi 17 juin 2013

Un séminaire stratégique à Las Végas

Dans le conseil, en particulier quand notre métier c'est d'assister les entreprises sur leur organisation et leur management, nous aimons bien appliquer le procédé du brainstorming à nos propres troupes.
Quand ce brainstorming concerne les associés, considérés en général comme l'aristocratie du cabinet de conseil, ceux qui font le succès de l'entreprise, on le nomme séminaire stratégique.



Un consultant indépendant m'a récemment demandé comment je comptais organiser mon premier séminaire stratégique; j'étais sans réponse car j'avoue que c'est loin d'être ma préoccupation première. Mais je lui ai promis de lui en donner un aperçu, en l'état actuel de ma réflexion. C'est ce que je me propose de faire dans ce billet. L'avenir nous dira si ce sera le cas.

Tout d'abord, choisir le lieu.
Il y a trois types de lieux possibles, selon la culture du cabinet:

  • Pour la vieille école, un bon hotel logé dans un chateau du XVIIIème siècle, loin de toute métropole, de toute tentation urbaine, reste la norme. Bien entendu, il doit comporter des chambres spatieuses, avec WiFi et chaines cablées (au moins celles d'information continue), des salles de travail et de conférence et surtout, surtout un restaurant gastronomique. C'est important de bien manger et de bien boire dans un séminaire stratégique surtout chez les consultants. L'avantage de ce type de lieu c'est que le budget n'est pas pharaonique et que cela ressemble un peu un l'endroit où on séjourne avec maman quand on fete un anniversaire de mariage.
  • La jeune école, celle des cabinets de conseil tout récents, à forte croissance, pas très connus au demeurant mais le marché est tellement porteur mon cher ami, se tourne vers les destinations beaucoup plus clinquantes de type Dubaï, Las Végas ou Ibiza. L'hotel choisi est de premier choix, moderne, muni d'un restaurant moderne et glamour, avec un bar sur le toit ouvert toute la nuit et où on peut danser et boire avec la jeune élite locale. Bien entendu il y a des salles de réunion -on est là pour travailler quand même- et des chambres ultra-modernes. L'esprit de ce lieu est festif. Il s'agit aussi de pouvoir raconter à ses copains les virées nocturnes à Las Végas. Et madame n'est pas là pour contrôler les dépenses.
  • L'école New Age va favoriser le retour à la nature; l'esprit a besoin de se ressourcer pour trouver de nouvelles voies, des stratégies innovantes, des approches révolutionnaires. Dans le conseil on n'a pas encore de prix Nobel dédié mais cela ne saurait tarder. Après, c'est une histoire de budget; quand on est assis sur un tas d'or alors les destinations les plus exotiques telles que la Laponie ou l'ile de Formentera sont idéales. Les tentations ne sont pas matérielles mais d'un ordre qui s'approche du spirituel; des promenades culturelles, avec les équipements ancestraux -qui n'a pas rêvé de voyages en traineau- et l'apprentissage des coutumes locales constituent le quotidien, au petit matin, des séminaristes qui n'en sont ensuite que plus forts pour travailler intensivement l'après midi. Et la soirée se termine sur un spectacle typique de la contrée, des danses folkloriques, des chants polyphoniques, le champ des possibles est largement ouvert.

Une fois le lieu choisi, le plus dur est fait.

L'agenda est simple: une fois la logistique réglée (Las Végas par exemple c'est loin et l'essentiel du temps est consacré au voyage) il reste deux jours complets et une après midi (le premier jour en général) pour travailler. Selon l'orientation prise par le séminaire (gastronomie, fête ou sac à dos) il est préférable de ne pas trop surcharger la phase de réflexion stratégique.
  • Le premier jour, après midi: qui sommes nous, quels sont nos résultats, pourquoi sommes nous les plus forts.
  • Le second jour, après midi: ateliers de travail sur le thème de comment être encore plus forts, avec de meilleurs résultats, plus de primes et de variable.
  • Le troisième jour, après midi: présentation par les ateliers de travail de leurs conclusions de comment être encore plus forts, pourquoi c'est nous et pas les autres.
Ce qui importe le plus c'est l'animation. Pour la vieille école, l'agenda est clair, avec pas trop de thèmes car il faut que tout le monde puisse s'exprimer même les petits jeunes qu'on a récemment nommés associés. Les ateliers de travail n'ont nul besoin de modérateur car ce n'est pas la foire d'empoigne. Pour la jeune école, l'agenda est moins clair, avec un thème central autour de comment gagner plus et une animation qui dépend du taux d'alcoolémie des participants sortis tard et rentrés depuis peu de discothèque. Enfin l'école New Age  définit un agenda simple basé sur l'identité du cabinet et laisse à ses participants le soin, en séance, de poser les thématiques des ateliers de travail.

En disant tout cela je ne réponds pas complètement à la question que m'a posé ce consultant indépendant. Mais le propre d'un séminaire stratégique c'est de définir la stratégie de l'entreprise. Et je ne vais quand même pas la divulguer dans un blog. On s'est fait voler des idées révolutionnaires pour moins que cela.
Tout ce que je peux dire c'est que l'idée de Las Végas me plait bien, avec une approche New Age dans le désert du Colorado et des danses shoshones en guise de spectacle nocturne.

On en reparle l'année prochaine.


Thierry Biyoghé