Les
chiffres sont là ; le groupe d’enseignement privé Education
First (http://www.ef.com.fr/) a
mené en 2012 une étude auprès de centaines de milliers d’adultes à travers le
monde et en a synthétisé les résultats sur son site, avec l’édition de l’indice
de compétence en anglais (English Proficiency Index ou EPI) décliné par pays,
par classe d’âge et d’autres critères comme le secteur économique de
l’employeur.
54 pays sont évalués et 5 groupes de niveau permettent de
les classer en fonction de leur EPI.
Où sont donc classés les Français dans cette étude ?
Ils sont dans le troisième groupe, celui des moyens, à la 23ème
place (un recul par rapport à 2011 où ils occupaient la 17ème place
devant l’Espagne qui était 24ème), devant l’Italie mais derrière
l’Espagne pour ne citer que nos proches voisins européens. Et loin derrière la
Belgique, la Suisse ou l’Allemagne autres pays avec lesquels nous partageons
une frontière et souvent une histoire.
Le reste du classement concerne les pays où la maitrise de
l’anglais est faible voire très faible.
Dans cette étude, des tendances fortes se dégagent ;
elles concernent les disparités de
pratique selon des critères autres que géographiques.
Les jeunes adultes (30-35 ans)
parlent mieux l’anglais.
Les femmes parlent mieux
l’anglais que les hommes.
·
Certains secteurs comme le tourisme et le conseil sont
leaders sur cette pratique de la langue anglaise.
Mais quel enjeu constitue
cette pratique de la langue anglaise ?
En effet, les Français peuvent invoquer le fait que leur
langue est la seconde langue étrangère
la plus parlée dans la CEE, derrière l’anglais certes mais largement devant
l’allemand ou l’espagnol. Cet argument a
pourtant largement vécu. Le temps est révolu où le président François
Mitterrand refusait de parler anglais ; ces dernières années ont montré
qu’un dirigeant politique de haut niveau ne peut plus se permettre de grosses
lacunes dans cette langue.
L’anglais
est encore considéré comme un plus et non une nécessité ;
ce serait presque la marque d’un avantage social. Pourtant c’est la langue des affaires, une compétence essentielle au développement
économique d’un pays.
Ce n’est pas un hasard si les premiers de l’indice EPI sont
des pays fortement exportateurs,
orientés vers le commerce extérieur.
C’est également un facteur de collaboration, dans un espace mondialisé, entre des entreprises de
différents pays. Ce vecteur est donc primordial pour innover (recherche privée comme publique) et il est symptomatique
de constater que les chercheurs américains publient de loin le plus grand nombre
d’articles chaque année alors que le Royaume-Uni occupe la troisième position
en termes de publications, après la Chine.
La plateforme Internet
est utilisée à 27% par des anglophones (proportion qui tend à diminuer avec
l’usage croissant de ce média) et pourtant 50% de ses pages sont rédigées en
anglais.
En bref, c’est un vecteur de revenu, du fait de la
globalisation des échanges, de la recherche, ainsi que par la mondialisation
des affaires.
Que retirer de cette étude, dans le prisme des Français ?
D'abord, l’Europe se
distingue aux premières places de ce classement.
Les résultats montrent que la marge de progression de nos compatriotes est importante, surtout
quand on rappelle que la France est la deuxième économie de cette zone géographique,
derrière l’Allemagne.
L’existence
d’une langue nationale forte n’est pas un frein à l’apprentissage d’une langue
étrangère comme l’anglais ; l’Espagne a progressé de la 24ème
place à la 18ème place entre 2011 et 2012 alors que l’espagnol est
une langue dominante en Amérique du Sud (sans compter le Mexique et l’Amérique
Centrale) et donc un avantage économique et culturel majeur. De plus, les pays
où plusieurs communautés linguistiques vivent ensemble parviennent à de très bons
résultats, à l’instar de la Belgique dont les populations parlent le français,
le néerlandais ou l’allemand (et que dire de la Suisse avec ses quatre
langues).
Les pays de l’ex bloc soviétique sont très bien
classés :
- La Hongrie (8ème), la Pologne (10ème) et la République Tchèque (11ème) sont dans le second groupe, avec une progression importante entre 2011 et 2012 (+8 places pour la Hongrie et la République Tchèque, la Pologne conservant son niveau).
- La Slovaquie est dans le troisième groupe (celui de la France) avec une brillante 16ème place et une progression de 5 places entre 2011 (où elle était moins bien classée que la France) et 2012.
- La Russie bien que restant en retrait (elle est 29ème, dans le quatrième groupe) progresse dans ce classement.
Il n’y a pas non plus de corrélation évidente entre l’indice
EPI et la taille de la population du pays :
- L’Allemagne (9ème) est constituée de 82 millions d’habitants contre 65 millions d’habitants pour la France (23ème) et 61 millions d’habitants pour l’Italie (24ème).
- Les membres européens du premier groupe (cinq premiers du classement) et du second groupe (de la sixième à la treizième place) ont des populations de tailles différentes :
1.
Suède : 9.5 millions d’habitants
2.
Danemark : 5.6 millions d’habitants
3.
Pays Bas : 16.7 millions d’habitants
4.
Finlande : 5.4 millions d’habitants
5.
Norvège : 5 millions d’habitants
6.
Belgique : 11 millions d’habitants
7.
Autriche : 8.2 millions d’habitants
8.
Hongrie : 9.9 millions d’habitants
9.
Allemagne : 82 millions d’habitants
10. Pologne :
38.2 millions d’habitants
11.
République Tchèque : 10.6 millions
d’habitants
- Et en comparant des pays très peuplés la corrélation n’en est pas plus évidente : Le Pakistan (17ème pour 179 millions d’habitants) et le Japon (22ème pour 127 millions d’habitants) sont dans le troisième groupe (celui de la France, devant elle) alors que la Russie (29ème pour 142 millions d’habitants) est dans le quatrième groupe.
C’est évidemment lié à l’investissement que les pays en question
mettent dans leur système éducatif qu’il faut chercher une corrélation avec
l’EPI.
L’étude d’Education First commente la situation de notre
pays et de celle de son voisin italien. Je vais la citer car elle est
éloquente : « La France et l’Italie, deux grandes économies avancées,
peuvent en particulier faire mieux. Nos données indiquent que le niveau
d’enseignement de l’anglais en France et en Italie est inférieur aux normes
européennes, ce qui représente un obstacle, pour les adultes de ces pays, en
termes d’accès aux marchés européens et mondiaux. Dans des périodes économiques
difficiles, à l’instar de celle que nous traversons aujourd’hui, aucun pays ne
peut se permettre de disposer d’une main-d’œuvre sous-qualifiée. »
Ce sera ma conclusion.
Thierry Biyoghé