jeudi 12 septembre 2013

Compétences en anglais, les Français sont à la traine en Europe

Les chiffres sont là ; le groupe d’enseignement privé Education First (http://www.ef.com.fr/) a mené en 2012 une étude auprès de centaines de milliers d’adultes à travers le monde et en a synthétisé les résultats sur son site, avec l’édition de l’indice de compétence en anglais (English Proficiency Index ou EPI) décliné par pays, par classe d’âge et d’autres critères comme le secteur économique de l’employeur.
54 pays sont évalués et 5 groupes de niveau permettent de les classer en fonction de leur EPI.

Où sont donc classés les Français dans cette étude ?


Ils sont dans le troisième groupe, celui des moyens, à la 23ème place (un recul par rapport à 2011 où ils occupaient la 17ème place devant l’Espagne qui était 24ème), devant l’Italie mais derrière l’Espagne pour ne citer que nos proches voisins européens. Et loin derrière la Belgique, la Suisse ou l’Allemagne autres pays avec lesquels nous partageons une frontière et souvent une histoire.

Le reste du classement concerne les pays où la maitrise de l’anglais est faible voire très faible.




Dans cette étude, des tendances fortes se dégagent ; elles concernent les disparités de pratique selon des critères autres que géographiques.

Les jeunes adultes (30-35 ans) parlent mieux l’anglais.



Les femmes parlent mieux l’anglais que les hommes.
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Certains secteurs comme le tourisme et le conseil sont leaders sur cette pratique de la langue anglaise.



Mais quel enjeu constitue cette pratique de la langue anglaise ?
En effet, les Français peuvent invoquer le fait que leur langue est la seconde langue étrangère la plus parlée dans la CEE, derrière l’anglais certes mais largement devant l’allemand ou l’espagnol. Cet argument a pourtant largement vécu. Le temps est révolu où le président François Mitterrand refusait de parler anglais ; ces dernières années ont montré qu’un dirigeant politique de haut niveau ne peut plus se permettre de grosses lacunes dans cette langue.

L’anglais est encore considéré comme un plus et non une nécessité ; ce serait presque la marque d’un avantage social. Pourtant c’est la langue des affaires, une compétence essentielle au développement économique d’un pays. 



Ce n’est pas un hasard si les premiers de l’indice EPI sont des pays fortement exportateurs, orientés vers le commerce extérieur



C’est également un facteur de collaboration, dans un espace mondialisé, entre des entreprises de différents pays. Ce vecteur est donc primordial pour innover (recherche privée comme publique) et il est symptomatique de constater que les chercheurs américains publient de loin le plus grand nombre d’articles chaque année alors que le Royaume-Uni occupe la troisième position en termes de publications, après la Chine. 


La plateforme Internet est utilisée à 27% par des anglophones (proportion qui tend à diminuer avec l’usage croissant de ce média) et pourtant 50% de ses pages sont rédigées en anglais.


En bref, c’est un vecteur de revenu, du fait de la globalisation des échanges, de la recherche, ainsi que par la mondialisation des affaires.



Que retirer de cette étude, dans le prisme des Français ?

D'abord, l’Europe se distingue aux premières places de ce classement.


Les résultats montrent que la marge de progression de nos compatriotes est importante, surtout quand on rappelle que la France est la deuxième économie de cette zone géographique, derrière l’Allemagne.
L’existence d’une langue nationale forte n’est pas un frein à l’apprentissage d’une langue étrangère comme l’anglais ; l’Espagne a progressé de la 24ème place à la 18ème place entre 2011 et 2012 alors que l’espagnol est une langue dominante en Amérique du Sud (sans compter le Mexique et l’Amérique Centrale) et donc un avantage économique et culturel majeur. De plus, les pays où plusieurs communautés linguistiques vivent ensemble parviennent à de très bons résultats, à l’instar de la Belgique dont les populations parlent le français, le néerlandais ou l’allemand (et que dire de la Suisse avec ses quatre langues).

Les pays de l’ex bloc soviétique sont très bien classés :
  • La Hongrie (8ème), la Pologne (10ème) et la République Tchèque (11ème) sont dans le second groupe, avec une progression importante entre 2011 et 2012 (+8 places pour la Hongrie et la République Tchèque, la Pologne conservant son niveau).
  • La Slovaquie est dans le troisième groupe (celui de la France) avec une brillante 16ème place et une progression de 5 places entre 2011 (où elle était moins bien classée que la France) et 2012.
  • La Russie bien que restant en retrait (elle est 29ème, dans le quatrième groupe) progresse dans ce classement.

Il n’y a pas non plus de corrélation évidente entre l’indice EPI et la taille de la population du pays :
  • L’Allemagne (9ème) est constituée de 82 millions d’habitants contre 65 millions d’habitants pour la France (23ème) et 61 millions d’habitants pour l’Italie (24ème).
  • Les membres européens du premier groupe (cinq premiers du classement) et du second groupe (de la sixième à la treizième place) ont des populations de tailles différentes :
1.       Suède : 9.5 millions d’habitants
2.      Danemark : 5.6 millions d’habitants
3.      Pays Bas : 16.7 millions d’habitants
4.      Finlande : 5.4 millions d’habitants
5.      Norvège : 5 millions d’habitants
6.      Belgique : 11 millions d’habitants
7.      Autriche : 8.2 millions d’habitants
8.     Hongrie : 9.9 millions d’habitants
9.      Allemagne : 82 millions d’habitants
10.  Pologne : 38.2 millions d’habitants
11.   République Tchèque : 10.6 millions d’habitants
  • Et en comparant des pays très peuplés la corrélation n’en est pas plus évidente : Le Pakistan (17ème pour 179 millions d’habitants) et le Japon (22ème pour 127 millions d’habitants) sont dans le troisième groupe (celui de la France, devant elle) alors que la Russie (29ème pour 142 millions d’habitants) est dans le quatrième groupe.
C’est évidemment lié à l’investissement que les pays en question mettent dans leur système éducatif qu’il faut chercher une corrélation avec l’EPI. 



L’étude d’Education First commente la situation de notre pays et de celle de son voisin italien. Je vais la citer car elle est éloquente : « La France et l’Italie, deux grandes économies avancées, peuvent en particulier faire mieux. Nos données indiquent que le niveau d’enseignement de l’anglais en France et en Italie est inférieur aux normes européennes, ce qui représente un obstacle, pour les adultes de ces pays, en termes d’accès aux marchés européens et mondiaux. Dans des périodes économiques difficiles, à l’instar de celle que nous traversons aujourd’hui, aucun pays ne peut se permettre de disposer d’une main-d’œuvre sous-qualifiée. »

Ce sera ma conclusion.

Thierry Biyoghé



4 commentaires:

  1. Édifiant non ? Surtout au vu du recul de la France dans ce classement entre 2011 et 2012. Quand on pense que Nicolas Sarkozy et François Hollande, nos deux derniers présidents, parlent mal l'anglais (et font même de terribles erreurs à l'écrit) on comprend pourquoi la marche est haute.

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  2. Effrayant. Du temps où je découvrais l'anglais à l'école, j'entendais : "c'est bien l'anglais, c'est un plus, mais concentre toi plutôt sur ce qui est utile : le français et les mathématiques !"
    Plusieurs années plus tard, force est de constater que ce discours doit toujours exister. Et pourtant, comment peut-on être aussi binaire !
    Quand d'autres européens ont inversé la tendance, comme l'Espagne bien que leur langue ne soit pas qu'employée dans leur propre pays, la France glisse doucement mais surement vers la fin du podium.
    Quand prendra-t-on la mesure de l'importance de la maîtrise de la langue anglaise ?
    A quand des programmes d'éducation dans lesquels l'apprentissage de l'anglais n'est plus une option mais revêt la même importance que des matières généralistes telles que le français ou les mathématiques ?
    C'est de la conduite du changement à l'échelle nationale dont il s'agit !

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    1. Cela me rappelle une blague. C’est un Français qui souhaite prendre des cours d’anglais. Il regarde dans le journal local et voit : London Institute, pour 1000 euros vous devenez ‘fluent en anglais’. C’est attractif pense-t-il mais 1000 euros c’est cher pour apprendre l’anglais. Il regarde un autre institut de formation qui affirme que pour 100 euros vous devenez bon en anglais. C’est mieux pense-t-il mais cela reste quand même fort cher.
      En fin de page, il trouve une annonce pour un institut qui propose de devenir bilingue en anglais pour 20 euros. C’est exactement ce qu’il me faut se dit-il et il décide d’aller visiter cet organisme. Il arrive dans une sombre ruelle, au numéro indiqué dans l’annonce, devant une porte agrémentée d’une sonnette et d’une petite plaque au nom de l’institut. Il sonne à plusieurs reprises ; au bout de quelques minutes un petit homme chauve lui ouvre la porte.
      Le Français lui demande : « c’est ici les cours d’anglais qui rendent bilingue pour 20 euros ? ».
      Le petit homme chauve lui répond : « if, if, between ».

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  3. Serai-je objective dans cette discussion ?! Mon expérience n'est pas une blague, Thierry. Quand j'ai eu fini mes études, lors de mes premiers entretiens, j'avais invariablement droit à : "vous parlez sept langues, d'accord, mais que savez-vous faire ?". Dans tous les postes que j'ai occupés, les langues ont souvent fait la différence, culturellement, et pourtant, officiellement, on restait sur "bien sûr, on ne vous embauche pas pour cela...". J'ai même animé un petit déjeuner en catalan, au pied levé, pour détendre l'atmosphère dans un contexte d'acquisition d'une petite entreprise familiale de Valencia. A titre personnel, les langues, c'est ma vie, et celle de ma famille ; nos enfants, 12 et 8 ans, ont très tôt compris l'avantage qu'ils avaient de pouvoir communiquer en français et en espagnol, et notre fille a choisi l'italien en LV2 ! Mais le Français est formidable : combien de fois avons-nous déjà entendu "mais qu'elle prenne espagnol, elle aura de bonnes notes !"... et l'envie d'apprendre, de découvrir, d'échanger ? La richesse linguistique ne se compte pas en euros... La France, avec sa fameuse "voie royale" (oui, nous avons besoin d'ingénieurs, mais aussi de poètes, d'historiens... et de cordonniers !), a tué non seulement tout espoir de hisser nos élèves vers le haut en matière d'apprentissage linguistique, mais a aussi fait des ravages sur la maîtrise de la langue française. Peu importe, moi j'ai choisi le Brésilien comme loisir depuis peu et, à ce propos, Déborah, on pourra reparler des méthodes... du bon vieux manuel d'anglais aux cours interactifs en ligne ! Merci pour cet excellent sujet, à suivre donc.

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