jeudi 14 février 2013

Pourquoi les jeunes consultants décident ils de changer de cabinet ?

Dans le conseil, la place des jeunes consultants est essentielle. Ils représentent l'avenir, l'image de marque, la force de frappe du cabinet qui les emploie.
Pourtant, il n'est pas toujours facile de garder ces jeunes consultants qu'on a souvent mis des mois à recruter.

Pourquoi ?

Je vais prendre la question sous l'angle de l'opérationnel, celui qui vend et délivre les missions de conseil et qui est donc le premier concerné par ce turn-over des jeunes consultants.



J'ai coutume de distinguer trois types de cabinet de conseil en ce qui concerne l'attraction auprès des jeunes consultants:

  • Les grandes marques: ce sont les cabinets dont la notoriété est telle que les jeunes consultants les connaissent bien avant de les rencontrer, de réputation ou par le bouche à oreille.
  • Les entrepreneurs: ils jouent moins sur la notoriété et plus sur leur proximité aux collaborateurs. Ces cabinets mettent en avant leur taille humaine, les opportunités qu'ont les jeunes consultants d'accéder rapidement à des responsabilités.
  • Les challengers: ces cabinets ne sont pas encore assez connus dans le conseil; certains d'entre eux sont même de simples entités de sociétés de services (SSII, audit) très connues dans leur coeur de métier original. Pourtant, ils prétendent jouer dans la cour des grands et mettent des moyens forts dans le recrutement des jeunes consultants.

Pour la première catégorie, garder ces jeunes consultants est le résultat d'une mécanique bien rodée de la DRH et du management. Quand on souhaite chasser sur leurs terres, souvent le jeune consultant se demande en définitive: pourquoi partir ailleurs alors que je joue en première division ? Il va alors préférer en majorité passer d'une grande marque à une autre. Son référentiel ne change pas. Et son CV reste au top.

Dans le cas de la seconde catégorie, chaque manager est un entrepreneur et il a vocation d'exemple pour le jeune consultant. Ce dernier ne se pose alors la question de bouger que s'il perd confiance en son management direct. Il va alors regarder ailleurs, plutôt auprès des entrepreneurs qu'il connait de réputation.

Le cas intéressant est celui de la troisième catégorie. Les moyens mis en oeuvre lors de son recrutement (nombre d'entretiens, niveau de management des intervieweurs) ont attiré (voire flatté) les jeunes consultants qui recherchent une forme de sécurité (la pérennité de l'entreprise dans son coeur de métier) tout en ne voulant pas rentrer dans une mécanique trop huilée (que j'appelle la fourmilière). Et c'est dès son entrée qu'il faut faire attention au parcours de ce jeune consultant et aux messages qu'on lui délivre.
Pour avoir travaillé dans les trois catégories de cabinet, je peux vous donner un aperçu des erreurs que font les challengers et qui permettent aux autres de tranquillement débaucher leurs jeunes troupes.
  • Exagérer la place du cabinet dans la chaîne de valeur du conseil: le meilleur exemple réside dans les cabinets de conseil type AMOA qui prétendent conduire des missions de stratégie. Le consultant croit en ce message lors du recrutement car celui qui l'a délivré a conduit ce type de mission, souvent ailleurs que dans ledit cabinet.
  • Laisser les consultants à l'abandon les premières semaines: souvent les jeunes consultants arrivent par vague, avec un effet promotion qui renforce leurs liens. C'est à cette arrivée qu'ils attendent qu'on les anime, soit par des travaux collectifs (pas besoin d'un séminaire à Ibiza) à réelle valeur ajoutée, soit sur des missions même s'ils ne sont pas facturés. L'erreur pratiquée couramment est celle qui consiste à les placer dans un open space puis à les utiliser sur des travaux unitaires (colorier des slides pour une avant vente, traduire de la documentation, appeler des prospects ...), à la volée, selon la volonté de n'importe quel manager plus anciens dans le cabinet.
  • Ne pas impliquer réellement les jeunes consultants dans les meetings du cabinet: ces consultants arrivent souvent en masse à la rentrée; c'est le moment que choisit le management pour organiser un évènementiel propre au cabinet. Cet évènement est le lieu de rencontre de tous les consultants (qui sont sur des missions très différentes et se voient peu au bureau) et une première fois tous ensemble pour les jeunes consultants. L'erreur classique consiste à produire un meeting orienté sur le nombril des associés (qui énumère leurs faits d'armes) et peu participatif pour les consultants, en particulier les jeunes. Combien de managers m'ont dit que la vraie communication se faisait à l'heure de l'apéritif et non pendant la présentation.
En conclusion, si vous êtes une grande marque ou un entrepreneur vous savez en général pourquoi les jeunes consultants vous quittent et c'est une constante propre à votre métier et à votre positionnement
Par contre si vous êtes un challenger, vous êtes exposés à des départs en masse dès lors que vous arrêtez l'effort de séduction entamé lors du recrutement et que vous n'animez pas cette communauté de jeunes consultants. Les meilleurs d'entre eux, ceux que vous avez eu du mal à faire venir, partiront rapidement


Le conseil est un métier où tout va vite.

Thierry Biyoghé



5 commentaires:

  1. Quand on est consultant, l'objectif est de convaincre.
    L'apparence permet aussi d'être mieux écouté.
    Un beau visage, de belles mains, de beaux vêtements, des bijoux et une belle montre.
    C'est environ 60% et le contrat 40%.
    Le consultant doit en être conscient tous les jours.


    http://docdenjean.boosterblog.com

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    1. C'est la raison pour laquelle je désespère d'embaucher Orlando Bloom et Keira Knightley. Je leur proposerais même des cours de français et une belle montre Kenneth Cole.

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  2. L'apparence est effectivement importante dans ce métier, mais il prend une telle ampleur (60%) que lors d'un choix entre consultants à compétences égales.
    En effet, un consultant, aussi soigné soit-il, ne dépasse pas la semaine auprès de son client s'il est creux et n'apporte rien.
    Le client est de plus en plus exigeant et a désormais l'habitude de côtoyer les consultants. Il sait donc rapidement démasquer les imposteurs, et c'est tant mieux !

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  3. Ce thème des consultants juniors est un sujet que m'ont inspiré les pratiques de cabinets de conseil que j'ai cotoyé.
    Certains associés ne se cachent plus pour traiter ces jeunes comme de la viande en période de crise, surtout au vu du marché de l'emploi et de la sinistrose que véhiculent les médias français, dans la plus pure tradition hexagonale. Et c'est là leur erreur; les bons partent et ne restent que les moyens.

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    1. Je partage à 200% cette analyse, pouvant moi même attester, de part mon vécu, l’existence de cette triste réalité des pratiques de quelques cabinets de conseil.
      Mais heureusement, c'est également vrai que les premiers à partir sont bien souvent les meilleurs !
      La version moderne de "la réponse du berger à la bergère" ? !

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